Shigeko Hirakawa

Texte de Shigeko HIRAKAWA en 2004

Intervention à Mont-de-Marsan en 1997
(Ecrit par Shigeko HIRAKAWA en 2004)

Oeuvres intitulées « Transmutation/ Vie » et 
«Arbre Généalogique/ Mort »


Intervenir sur la nature a pour moi deux sense. Dans le sud-ouest de la France en 1997, une expérience du dialogue avec l'environnement des Landes, m'a aidé à les clarifier.

Une rencontre avec la particularité du lieu me favorise à déployer des imaginations. A Mont-de-Marsan l'immense forêt de pins maritimes, qui était le thème de l'exposition était fascinante. C'est une forêt artificiellement créée pour l'industrie forestière de la région; elle sert aussi à pomper l'eau du sol trop humide et rend le terrain favorable à d'autres cultures. Lorsqu'on coupe l'un de ces pins maritimes, chacun de ses tubes capillaires laisse couler un flot de résine parfaitement transparente, comme une abondante transpiration. La résine, habituellement brune, est tellement diluée d'eau qu'elle rend le bois du pin très lourd. Cette circulation de l'eau, remarquée dans ces troncs d'arbre, m'a inspiré une oeuvre nommée « Transmutation/ Vie ». Pour cette oeuvre,  j'ai dressé dans un bassin d'eau de source 12 troncs d'arbre de 40cm de diamètre et de 2,50 mètres de haut. J'ai découpé chaque tronc à la hauteur des yeux  des habitants et entre les deux tronçons de chaque tronc j'ai inséré un cylindre de résine polyester. Cette résine artificielle était comme une cristallisation de la résine naturelle, une mise en évidence sa circulation dans le tronc de pin. Ce projet que j'avais conçu sur le thème de la vie et la mort, avec une installation sur chacune des rives de la rivière principale de la ville, a finit par se marier avec l'environnement, soulignant intensément un excellent exemple de coexistence entre l’être humain et la nature et le sens de la vie par la force alchimique de l'eau.

Intervenir sur la nature est d’autre part une mise en forme du reflet de soi. J'ai visité Mont-de-Marsan lors du repérage du lieu d'une intervention artistique, six mois avant l'intervention. A cette époque, mon père avait un cancer en phase terminale, et séjournait dans un hopital au Japon. Il est mort à peine deux semaines après mon repérage. J’étais sous le coup de cet événement bouleversant, et divers éléments du paysage de Mont-de-Marsan me sont revenu en mémoire avec une coloration symbolique très particulière et poignante. La rivière qui sépare la ville en deux, le quai désaffecté et abandonné, des tilleuls plantés en ligne sur des centaines de mètre..., tous ces éléments peuvent évoquer la mort chez les bouddhistes. (Çakyamuni a atteint à l'illumination sous un tilleul indien. Il méditait jusqu'à la fin de sa vie sous ce tilleul. “Tilleul” se dit Bodaï-ju en japonais, et on utilise ce même mot Bodaï pour signifier “devenir bouddha dans l’au-delà”.) Je ne suis pas du tout pratiquante, mais cette manière spontanée d’interpréter les élements du paysage m'a révélé à quel point j’étais encore imprégnée d’idées bouddhistes. Ainsi, sur le quai Silguy sous des tilleuls, j'ai réalisé une oeuvre intitulée « Arbre Généalogique / Mort » de 130m de long, en rassemblant environ 30t de racines, de souches, et de billes de bois. L’installation de Mort est située l’au de là de la rivière. La rivière qui symbolise la frontière de ce monde.


Dans le catalogue de « Mont-de-Marsan sculptures, le Japon, Créations in-situ 1997 »,

Pierre Restany a écrit :

....Elle est la seule aussi à avoir concu un ample projet de land art dans le site nevralgique de la ville, au confluent des deux rivières de Mont-de-Marsan, le Midou et la Douze qui s’unissent pour former la Midouze. L’operation s’articule en deux parties. En amont du confluent, la cale de l’Abreuvoir, un édifice couvert en demi-cercle: dans l’eau ou bassin sont plongées 12 colonnes de bois don’t l’écorce est garnie d’un anneau de résine vert clair. Sur la terrasse du toit un tapis de gazon remplace l’échantillonnage de la flore locale que l’artiste avait reve d’y faire pousser.

En aval du pont qui enjambe la Midouze, sur la berge du quai Silguy, l’ancien port fluvial à partir duquel les berges portent les tonneaux d’armagnac rejoignaient l’Adour et Bayonne, Shigeko Hirakawa a developpé la seconde partie de son installation dans un site partiellement dégrade : sur une longueur totale de 130m, sur l’espace des berges en abandon, elle a dessiné un parcours ondulant fait d’une succession de trios ellipses composees de la terre rouge des arènes locales et d’entassements alternés de souches (racines en haut/ racines en bas) et de billots tout-venant. La symbologie de l’ellipse chez l’artist reflète le dualisme du terme : raccourci de l’ellipse géometrique qui évoque la compression du globe terrestre ; racourci de l’ellipse syntaxique qui correspond à une stratégie de l’omission dans le discours et qui appelle les notions de manque et de vide.

......, l’ellipse de Shigeko Hirakawa évoque un autre repli de l’être sur la dialectique essentielle entre la vie et la mort. La vie dans la demi-sphere de l’Abreuvoir, la mort dans l’ourlet des berges de la Midouze…”

Shigeko HIRAKAWA
 2004